En construction mes textes ne sont pas encore tous là

Toutes les proses et les nouvelles

Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être. Goethe

Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être. Goethe
Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être. Goethe

mercredi

Synopsis d'une plume...


J’ai attrapé un virus, celui d'écrire partout et n'importe où, dans mon lit, allongé sur le tapis, au bureau, dans les salles d'attentes, au bord de l'eau, sur les bancs publics, en mangeant sur les quais de gare, sur les murs des toilettes publiques, oui c’est moi...
J'écris des lettres à contre temps, des morceaux de phrases verbales ou pas, contre des courants d’airs ou le temps, à contre sens des saisons, contre toutes attentes, j'écris.
J'écris, des vers vides ou pleins, sans substances ni alcool ou fumées, de la prose, des bouts de textes, des expressions, des citations, des fragments d'eau douce en court-bouillon.
Je n’ai jamais envoyé quelques morceaux éparpillés ou de papiers déchirés à la poubelle comme un papier de chocolat, pour éviter une crise de foi ou je ne sais quoi !
Le jour sans idée, l’envie arrivera celle de ne plus pouvoir écrire quelque chose, alors j'imagine le voyage de ces mots glissés dans la soie d’une enveloppe tabac carrée et cet imprévisible décalage du temps, tout a pu changer, l’état d’esprit de l’instant, l’écriture, l'homme...
Faut-il ouvrir ce tiroir secret où les émotions, les sentiments et les colères sont couleur d’encre bleue de la mer méditerranée ?
Faut-il s’inscrire dans ses tempêtes et ses fracas obscurs des naufrages?
Le texte voyage entre deux respirations, la sienne la mienne.
A un clavier froid et impersonnel, je préfère le contact du papier le crissement de la pointe de mon Stabilo PointVisco orange à la pointe ronde qui bave quand il fait trop chaud.
J’aime la lettre manuscrite, si rare, glissée au milieu de prospectus sur la table basse de mon dentiste, oui, je cache des mots et j’attends les réponses à ces nombreuses questions sans importance. Qui aime le dentiste? Qui aimerait lui dire : « monsieur, vous êtes si délicat que je peux plus me passer de vous» .
J’ai reçu une réponse, je l’ouvre comme un dessert, je le savoure avec délice, je la renifle pour savoir si je reconnais le parfum, je déteste cette lassitude de l’attente d’une réponse, j’aime la page blanche indécente, juste dans sa nudité obscène avec un petit numéro de téléphone disant : « appelle moi et écris moi encore… ».
Peut-on écrire les silences et l’attente dans laquelle les mots se dissolvent? J'adorerais le croire.
Écrire avec le désir de vous plaire, de vous séduire, mettre des odeurs sous mon Stabilo paré d’artifices d’une plume pour ombrer vos yeux de mes couleurs d’anges transfigurées et lumineuses.
Lettre interrompue jetée au dernier rendez-vous chez le dentiste, là où le message peut être cueilli et lu.
Tous les mots posés ici, sont voués à l’errance, à la solitude d’une caresse sans fin, une naissance et une mort, étroitement mêlées.
Serait-ce un stratagème pour susciter un attendrissement, entrer dans l’âme du lecteur et s’y dissoudre vers une recherche d'affection et d'admiration ?
Les mots partent à la dérive sur un navire, sans voile ni gouvernail, déchirés par les écueils lacérés, par les vents contraires, petite bouteille remplie de vers à la mer, rejetée sur un rivage sans nom, chahutée par les vagues qui écrivent sur le sable des éphémères dentelles, mousseline blanche où ces mots s’abandonnent à la floraison, écume d'émaux jusqu’à en épouser la transparence.

Invisible, serais-je devenu ici sur cette terre? Alors j'écris jusqu’à plus d’encre pour exister...

Et puis, j’ai reçu ce message un jour sous un de mes textes :
«(…)j'ai lu ton poème trois fois depuis hier soir et je voulais te dire à quel point il m'a touché par l'amour qu'il dégage et à quel point ton père était une personne qui a compris que la vie puise son sens dans la joie et le partage avec les siens et les autres. Le plus beau est qu'il a réussi à te transmettre son message de la vie, donc je dis qu'il a réussi sa vie tout court. Ainsi son esprit continue à se manifester à travers toi et puis à travers ses petits enfants! En lisant cet hommage à ton père, j'ai dû penser à mon propre père qui - selon les dires de ses frères et amis - réunissait certains traits de caractère du tien ce qui me fait sentir une parenté spirituelle avec ton père. Le mien est parti à l'âge de quarante ans, fauché par un accident de voiture. Est-ce injuste? Est-ce un Dieu extérieur qui nous infligerait nos souffrances? Chacun trouvera sa réponse au moment voulu(…)».
Le premier avril j'ai perdu une amie qui avait mon âge et avec qui je montais à cheval. Elle a connu une longue galère due à un cancer à la jambe pendant une dizaine d'années. Au moment où elle croyait être sortie du tunnel pour recommencer une nouvelle vie avec une jambe en moins, un autre cancer qui s'est déclaré à l'endroit de l'amputation l'a fauchée en l'espace de huit mois. Pour son enterrement j'avais rédigé un texte dont voici un extrait :

«(…)Toutes les personnes qui ont connu V. étaient impressionnées par la lourdeur de sa maladie, mais aussi par sa combativité et son courage face à cette maladie, et même le personnel de « l’hôpital des cancéreux » qui pourtant est confronté quotidiennement aux cas les plus difficiles, lui témoignait son affection et son admiration. Il est facile de parler de courage, mais il faut toujours être conscient que ne peut être courageux que celui qui a connu la peur. Et la peur était sûrement un des plus fidèles compagnons des dernières années de la vie de V. Mais je pense que même à ce niveau-là, le cheval l’a aidée souvent à surmonter bien des moments de découragement car un cavalier qui tombe doit toujours surmonter sa peur en remontant tout de suite sur le dos de celui qui l’a fait tomber. Et pendant longtemps c’est l’idée de remonter un jour sa jument G. qui l’a motivée à se battre encore et encore. Alors que dire d’une histoire comme celle de V. Que la vie est injuste ? Que la vie est dégueulasse ? Qu’elle n’a vraiment pas mérité ça ? Qui parmi nous ne l’a pas pensé à un moment donné en voyant sa galère ? Qui ne s’est pas dit : et si c’était moi, serais-je capable d’affronter cela ? V.et sa maladie nous ont obligés à nous questionner sur nous-mêmes, sur le sens de tout cela, sur le sens de la vie, sur le sens de notre vie et sur qui nous sommes. Et si sens il y a, pourrait-on dire qu’il résidait dans le partage ? Dans le partage de sa vie qui s’entrelaçait avec celle de chacun de nous, chacun à sa façon et à un niveau particulier. Et que tout cela n'arrivait pas par hasard. Pourrait-on dire qu’il y avait une sorte d’interaction entre tous ceux qui ont touché la vie de V, une sorte d’entrelacement qui engendrait l'époustouflante tapisserie de sa vie. Chaque fil suit sa voie, mais croire que chaque fil est "seul" ne serait-ce pas se méprendre immensément sur le processus de la création de la Grande Trame? Je crois profondément qu’au moment de quitter son corps, V. a découvert la belle face du grand tableau de sa vie, elle a compris que chaque chose avait sa place et se trouvait exactement au bon endroit, qu’elle n’a jamais été seule et qu’elle ne sera jamais seule, alors que nous, nous sommes encore en train d’essayer de comprendre à quoi peuvent bien servir ces bouts de fils et ces nœuds qui pendent à l’arrière du cadre et qui semblent non seulement n’avoir aucun sens à nos yeux mais qui nous attristent dans leur imperfection. V. nous voulait joyeux et non pas abattus. Savait-elle déjà que le tableau qu’elle allait découvrir dépasserait tout ce qu’elle a pu imaginer en beauté, en lumière et en amour ?

Et si V. m’a appris quelque chose à travers ces années de maladie et surtout pendant les derniers mois de sa vie c’est que vivre l’instant présent ne revêt de sens que s’il est vécu dans l’amour(…)».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire